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volodia shahshahani


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  31/05/2005 - 5-2 haut ^
  IL FAUT DISSOUDRE LE PEUPLE
ou la rage des repentis people
 

Parmi les propos entendus au lendemain de la déroute de l'Etablissement, une certaine espèce de chiens de garde s'est particulièrement distinguée, je veux parler de ces "soixante-huitards" repentis, si inventifs pour se faire accepter par leurs nouveaux maitres.
Le matin du 30, dans la presse Rotschild ("Libération"), ce commentaire de Serge July :
"Entre le spectre turc qui dÈsignait sans ambages les musulmans, et le malheureux plombier polonais, les Ètrangers ont ÈtÈ invitÈs ý rester chez eux. Le Pen xÈnophobe, c'est son fonds de commerce, mais que des dirigeants de gauche fassent campagne sur ce terrain comme Chirac en 2002 sur l'insÈcuritÈ, on croyait cette xÈnophobie-lý impensable... Les Èlites gouvernementales, les Èlites bruxelloises, les mÈdias sans exception, et tous ceux qui plaidaient pour un systËme de dÈcision autorisant l'Èmergence d'une Europe politique : ce sont tous des partisans de la France d'en haut, que la France d'en bas entend Èvidemment corriger, sinon raccourcir. La France d'en haut et la France d'en bas, c'est le duo bien connu de toutes les pÈriodes populistes".

Le soir du 30, sur France 2 (debat animé par Arlette Chabot), Bernard Kouchner, commentant le score du referendum de la veille : "ce résultat est un résultat raciste". Kouchner, on s'en souvient, fut un des ardents défenseurs de l'intervention américaine en Irak. Au cours de l'émission, il fut précédé dans ce discours par Aurélie Filipetti qui ajouta peu après : "La France est un pays ranci, on a besoin d'air". Filipetti est cette Verte parisienne qui avait osé réclamer le droit à manifester avec le drapeau isarëlien…dans des manifestations anti-impérialistes (lors de la guerre d'Irak)!
Invité aussi à cette émission le "journaliste" du New-York Times, Roger Cohen qui, après quelques phrases convenues (et se voulant condescendantes) sur le village gaulois, sort le gros sabot : "ça va mieux quand l'Europe et les Etats-Unis collaborent comme dans le cas de l'Iran que quand ils s'opposent comme pour l'Irak". Il est vrai que les vaches sont maintenant bien gardées avec, à la tête de l'Europe, l'ex-maoïste Barroso, organisateur de la rencontre guerrière des Açores avec Bush-Aznar-Blair-Berlusconi. Oui, à la tête de cette Europe aplattie et mercantile qu'on a essayé de nous faire avaliser, il y a un complice de criminels de guerre qu'une Europe digne de ce nom aurait pu ranger pour haute trahison dans un box à côté de Milosevic.

Un autre repenti, un vrai permanent des media celui-là, Daniel Cohn-Bendit, au cours de la dernière émission pré-électorale de France 2 perdit son sang-froid à plusieurs reprises, comme lors de cet échange avec Marie-Georges Buffet. Alors que cette dernière avait la parole et qu'il l'interrompait au sujet d'autres européens, la représentante du PCF lui répondit qu'elle était pour l'heure en train de s'adresser à l'électorat français. Réponse de Cohn-Bendit : "oui je sais je suis un juif allemand". (???) Bien entendu, personne dans l'assistance n'a semblé saisir le rapport. Mais la people-ogie a ses règles : on ramène tout à sa petite personne. A cette occasion je rappellerai simplement cet autre acte de contrition du même Cohn-Bendit. Interrogé lors de la guerre d'Irak sur "ce qu'il aimerait dire à Georges Bush" (c'est bien le genre de question que posent les "journalistes" en people-ogie), cette réponse du député Vert :"vous me rappelez ma jeunesse, vous êtes un révolutionnaire". Bilan de l'Histoire, il conviendrait aujourd'hui de ranger les manifestants étudiants et les dix millions de grévistes du plus grand mouvement social qu'ait connu la France dans le même sac que les missionnaires bottés du chef de la Maison Blanche…
Enfin, merci encore à Bernard Kouchner, pour cette merveilleuse illustration (apportée hier soir encore sur France 2) de ce que j'ai essayé de montrer dans le point de vue précédent (05-1): en gros qu'il y a chez ces bobos-là, un rapport intime entre la soumission à l'ennemi numéro 1 (l'impérialisme américain) et la haine de la France d'en bas. Après une intervention de Raymond Barre (genre habituel du personnage, faut retrousser les manches etc…), vigoureuse approbation de Kouchner "Raymond Barre a un discours toujours jeune".

PS (post -scriptum) local : j'ai aussi entendu dans la soirée du 30 sur France 3, le maire socialiste de Grenoble, Michel Destot, autre fanatique du oui, regretter que la question du traité ait été posée par referendum.

 

  27/05/2005 - 5-1 haut ^
  REFERENDUM
Le commencement de la fin de la "fin de l'Histoire"
 

En ouvrant cette page, c'est, comme pour un grand nombre de mes concitoyens, l'occasion de reprendre la parole après une ascèse politique de plus de trente ans. Ce qui est en train de se produire - quels que soient les résultats dimanche 29 mai- est historique. Normalement dans les regimes où tous les pouvoirs sont concentrés, les résultants sont connus d'avance. Avec le flot de propagande déversé par des media totalement contrôlés par la finance (Dassault, Lagardère, Rhotschild…) et un appel unanime de tous les partis de gouvernement, le résultat devrait être de 80% en faveur de ce traité qui entend graver dans le marbre constitutionnel deux monstruosités :
- la sacralisation d'un régime économique dit de "concurrence libre et non faussée" - en fait un capitalisme de plus en plus déchaîné.
- la dépendance à l'égard d'une puissance étrangère, la plus dangereuse aujourd'hui, l'Amérique, en marge de ce qui reste de "loi internationale".

Les deux choses sont clairement liées comme en atteste cet article effarant du TCE
: "les etats membres se consultent en vue de prendre en commun les dispositions nécessaires pour éviter que le fonctionnement du marché intérieur ne soit affecté…en cas de guerre ou de tension internationale grave constituant une menace de guerre…" (III-131, page 28). Autrement dit, alors que le sang coule à flots dans les grandes artères européennes, l'obsession des conventionnels est : continuons à amasser des profits sous contrôle des Etats-Unis à qui nous avons abandonné notre souveraineté (en plaçant la "défense" commune sous la bannière de l'Otan, qu'ils dominent sans partage).(I-41, pages 16-17)

En fait, les représentants des deux prinicipaux pays européens à s'être opposés à l'agression américaine, Jacques Chirac et Gerhard Schröder, ont manqué le coche. C’est après la guerre d'Irak, voire un an plus tard, juste après l’arrivée au pouvoir de Zapatero en Espagne, qu’une initiative majeure aurait dû être prise. Profitant du rejet massif par les peuples européens de la politique américaine et de la soumission de la majorité de leurs gouvernants, le moment était propice pour créer une véritable Europe, assise sur ses «valeurs», distinctes de celles du reste du monde, notamment de celles que 53 millions d’américains (1% de la population mondiale) ont plébiscitées en reconduisant Georges Bush.

Tout en laissant Giscard d'Estaing et ses copains échafauder leurs élucubrations "libérales", il fallait réunir un groupe de pays avec pour programme les éléments d'une future "constitution", et commencer par le commencement.
-
Déclaration d’Indépendance avec l’énoncé de la doctrine stratégique qui l’assure.
- Dénonciation de tous les traités d’assistance ou de non-agression signés antérieurement par les membres fondateurs.
- Création de l’Alliance Européenne.
- Proposition dès la création de l’ AE de pactes de non-agression à tous les Etats de la planète.

Dès le départ, l’Alliance Européenne pouvait reposer sur la triplice Allemagne-France-Espagne, élargie dès les premières négociations à la Belgique et probablement la Suède : soit un socle de départ de 220 millions d’habitants. On ne voit pas très bien comment le Portugal dans son extrème occident aurait pu rester longtemps à l’écart, ni la Hollande et le Danemark territorialement isolés entre Belgique, Allemagne et Suede. On peut aussi parier que l’Italie, dont la population s’est aussi massivement opposée à l’atlantisme de sa direction que celle de l’Espagne, aurait eu quelques difficultés à rester en marge. Le groupe fondateur lui aurait alors fait savoir qu’il lui était difficile d’entretenir des relations cordiales avec un pays limitrophe dont la politique est trop liée à la puissance étrangère (USA) qui vient de bafouer la loi internationale (des mesures de containment de la péninsule sont alors clairement énoncées ; un an plus tard, « profitant » de l’assassinat par l’armée américaine d’un de ses agents en Irak, Berlusconi retire ses troupes et l’Italie rejoinit l’AE). L’Autriche suit et, bonus, dans un contexte aussi clair, il eut été envisageable que la Suisse rejette ses a priori eurosceptiques.

L’acte fondateur comprend la Déclaration d’Indépendance des Peuples Européens. Non seulement ses Etats membres se retirent de l’organisation militaire intégrée de l’OTAN mais dénoncent l’Alliance Atlantique, qui a perdu les raisons mêmes de son existence avec la dissolution du Pacte de Varsovie. La Déclaration d’Indépendance induit sa doctrine stratégique, symétrique de celle énoncée en 2002 par Georges Bush (et jamais contredite par son challenger John Kerry ni aucun autre leader démocrate). "l’AE n’a pas pour ambition la suprématie militaire, mais elle prend les mesures pour qu’aucun autre Etat ne puisse y prétendre". La defense des peuples européens est tous azimuths et elle se decline à tous les niveaux de la guerre (dissuasion stratégique et defense civile du territoire dans un premier temps, voire projection de forces), car c'est seulement en préparant la guerre (et en le faisant savoir), qu'on peut espérer sauver la paix.

Ce programme reste d'actualité et peut émerger d'un NON français faisant tâche d'huile. Il est cependant peu probable que les deux éclopés des récentes consultations, Chirac et Schröder, le mettent en pratique sans une mobilisation populaire continue au lendemain d'un scrutin littéralement insurrectionnel, tant est apparu lumineux le clivage entre ceux d'en Bas et ceux d'en Haut. Quoiqu'il advienne dans l'immédiat, il restera sans doute que ce sursaut du peuple français permettra d'ouvrir un nouveau cycle d'espérance, un quart de siècle après qu'on nous ait prophétisé une "Fin de l'Histoire" indéfiniment vouée à l'écrasement des faibles et aux cultes de la marchandise et du profit.